Comment vous expliquer la méthode Llado? Un rire intelligent, mêlant amour des mots et de la musique. Les mots, ils les aiment tant qu’il jongle avec, les triture, les entrechoque, les lance à un public actif qui réagit, hilare, à toutes ses facéties. Llado est un réel détonateur de rire généreux et de plaisir communicatif. Il se surprend parfois, se fait rire lui même, mais par dessus tout, jubile et se délecte, l’oeil pétillant, des réactions d’un public conquis. Habile dans l’art de la contrepèterie « elle a souvent connue ma chère, l’amer bitume de la route et vu des carrioles sans mulets... » Il excelle dans le sous-entendu. Avec lui, on est prévenu: « on est toujours à la limite du bon goût sans jamais tomber dedans ! » C’est très exagéré… On notera même que le catalan moustachu se laisse aller parfois, scandaleusement, à l’émotion et la finesse : Les tuiles du préau et sa nostalgie de la période de l’école primaire, ou bien L’heure vieille, poème en vers évoquant son enfance et rendant hommage à son Papé. Mais aussi, avec Mercenaire du spectacle, chanson sur les cabarets qu’il connaît par cœur pour s’y produire depuis tant d’années et y avoir croisé tous ses maîtres, au Caveau de la République, au Port du salut… et plus récemment au Don Camillo. C’est tout justement dans la grande tradition des chansonniers, qu’il suit et brocarde l’actualité, introduisant dans ce spectacle le duo de marionnettes Sarko et Carla : Carla interprète une de ses chansons entrecoupée d’interventions de Sarko prises à l’occasion de ses différentes allocutions médiatiques. Hollande en prend aussi pour son grade. Le président aura droit à Mec si beau ?, parodie d’un célèbre titre de Luis Mariano, chanson sur les mystérieux et supposés charmes présidentiels.
IMG-8795b,medium_large.1458003254Tandis qu’avec Plongée sous Marine, Llado prend un plaisir non dissimulé à nous reparler de la ridicule chute de Marine Le Pen dans une piscine vide. La chanson se termine par « Aïe ! Louis Alliot voilà » (pour la pronconciation, révisez « Aïli, aïlo Aïla ! »). Nous y voilà : Llado jongle habilement avec les absurdités et les atrocités de la vie pour mieux en rire, comme pour exorciser les noirceurs et la bêtise ambiante contemporaine. Un rire jamais innocent, qui laisse percevoir de vraies valeurs humanistes dont nous avons tant besoin en ces temps tourmentés.
Depuis toujours, la musique et la chanson passionnent Llado. Il est un grand admirateur de Brassens, saluant d’ailleurs la présence ce soir de l’ami Jean Paul Sermonte des « Amis de Georges ». Il puise son inspiration dans tout ce que la musique offre de diversité, des Beatles aux Daft Punk, de la variété au classique… Sa culture musicale ne semble pas avoir de limites et il possède un don exceptionnel pour débusquer les chansons qui se ressemblent. Par exemple, il marie à merveille Prendre un enfant par la main avec « la chenille qui redémarre », ce qui devient évident à l’écoute.
Encore plus fort, Llado est un mage que nous promouvons au rang de grand Maître de l’Acousmie (peu d’artistes se sont vus remettre cette distinction). Llado possède un don surnaturel (nous le soupçonnons aussi de travailler un petit peu… bien que Perpignanais) pour nous faire percevoir des paroles de chansons qui n’existent pas vraiment. Vous n’en croyez pas vos oreilles ? C’est normal. Il provoque des hallucinations auditives qui ne vous lâcheront plus. On aura l’impression que les Daft Punk nous chantent « saloperie de Kinder surprise » ou bien que Céline Dion tombe de cheval « En bas de ma selle »(All by myself). Vous aurez compris le principe.
L’animal chantant est capable de nous faire passer près de deux heures de rire à un rythme effréné. Il ne s’économise pas sur scène et le public le lui rend bien. La performance vaut le détour. Pour résumer, avec une expression ridicule, à la mode, que l’artiste lui même affectionne tout particulièrement, et qui à elle seule condense toute la richesse, la pertinence et la puissance de l‘émotion ressentie : « Serge Llado c’est d’just Waouh ! »